
Placé sous l’égide de l’Unesco, le Cifej est l’organisme international du cinéma de l’enfance et de la jeunesse. Le cinéaste tunisien Anis Lassoued vient d’être élu au comité directeur de cette prestigieuse institution. Il nous a accordé cet entretien.
Comment êtes-vous arrivé au Cifej ?
J’y suis arrivé a travers mes films sur l’enfance qui ont eu beaucoup de succès dans les festivals. De sabbat al aïd à Gadha, j’ai endossé la casquette de cinéaste de films sur l’enfance. En 2013, je suis devenu membre du Cifej, parrainé que j’étais par les anciens membres. Aujourd’hui, je suis très heureux de faire partie du bureau central qui constitue le noyau de cette prestigieuse organisation.
C’est aussi en partie grâce au succès du film Gadha dans les festivals internationaux pour l’enfance. Et comme je travaille sur l’Afrique et le monde arabe, j’ai présenté un programme qui contient la création d’une résidence d’écriture qui découle de mon expérience à Yaoundé (Cameroun), qui est une résidence de cinéma pour enfants « Le cinéma merveilleux », et le cinéma pour enfant manque terriblement en Afrique.
Les scénarios sélectionnés pendant deux résidences ont été déjà réalisés et présentés dans des festivals. Dans ce sens, nous avons créé également le premier festival du film de l’enfance et de la jeunesse en Afrique subsaharienne à Yaoundé « Mona international film festival for Children and youth ». Le premier rendez-vous sera en décembre 2025 et je serai le directeur artistique de cette édition. Cela dit, je suis en train de travailler sur l’Algérie et l’Arabie saoudite pour y créer le premier festival de films pour enfants. En même temps, j’ai lancé un festival au sultanat d’Oman «La mère et l’enfant » qui est à sa troisième édition.
Depuis la création du Cifej en 1955, vous êtes le premier membre tunisien élu à cette instance. Que peut apporter votre élection à la Tunisie ?
D’abord, je vais travailler à repenser la place de l’enfance en Tunisie au niveau de l’image. Parce que tout est lié à l’éducation à l’image. Mais mon objectif, c’est la collaboration de l’Etat à travers le ministère pour créer un quota de films pour l’enfance. Aujourd’hui, un tiers de la population est composé d’enfants qui n’ont pas de films tunisiens à regarder, des films qui façonnent leur identité.
Il s’agit de réintégrer le cinéma dans les écoles et dans les lycées. Mon travail, c’est de garantir le droit de l’enfant à l’image, une image qui lui ressemble. Ce n’est pas normal qu’aujourd’hui nos chaînes de télévision ne produisent pas pour l’enfance par exemple, alors qu’il y a quatre millions de petits Tunisiens. Parmi mes responsabilités aussi, faire respecter les limites d’âge et les afficher dans les salles de cinéma, ce qui n’a jamais été respecté.
Et au niveau de la distribution ?
L’autre grand volet de ma mission au sein du Cifej est de créer une plateforme du cinéma pour l’enfance et la jeunesse dans le monde. Il s’agit de créer une plateforme où on peut visionner un film tunisien ou un film péruvien ou camerounais destiné à l’enfance avec la catégorie d’âge affichée. C’est comme cela qu’on peut s’ouvrir sur le monde et mettre en valeur les spécificités de nos enfances. C’est une plateforme de distribution que nous espérons lancer avec succès. Nous allons également soutenir la distribution des films pour enfants dans les salles et les circuits commerciaux.
Votre plus grand défi en Tunisie ?
C’est de faire face à l’administration tunisienne ! Puisque même si les politiques encouragent la projection de films pour enfants, l’administration peut les freiner. Ce fut le cas d’ailleurs avec mon film Gadha dont la projection était prévue dans une centaine de lycées avec l’accord des ministères concernés, mais le film n’est pas passé en fin de compte à cause des lourdeurs administratives.